Que sont les souches de levures « tueuses » et sont-elles importantes ?
Par Etienne Dorignac, Responsable Technique & Œnologue, Fermentis
Dans de nombreuses documentations sur les levures œnologiques, vous trouverez probablement une information sur leur statut de « Killer »… indication effrayante n'est-ce pas ? Parlons un peu de la signification de ce statut – qui semble tout droit sorti d’un thriller !
Certaines souches de levure peuvent produire et excréter efficacement des protéines toxiques pour d’autres souches. Ces protéines vont se lier à un récepteur spécifique situé à la surface de la paroi cellulaire et induire lentement la mort de la souche affectée.
Il existe 3 types courants de souches : les « Killer » qui sécrètent la toxine et ne possèdent pas son récepteur (K+R-), les « Sensibles » qui ne sécrètent pas la toxine mais peuvent s'y lier (K-R+) et les « Neutres » qui n'excrètent ni ne se lient (KR-).
Comme il existe plusieurs toxines, dans le monde du vin, on parle presque toujours de la toxine « K2 » lorsque l’on fait référence au facteur tueur, car cette protéine exprime son activité au pH du vin (2,8-4,8).
Cependant, le ratio entre les souches Killer et Sensitive – afin de déplacer la population vers la prédominance des souches Killer dans les conditions de vinification – est très variable, de 1/1000 à 25/1 !
L'efficacité de la toxine dépend de plusieurs paramètres dont la température (thermo-sensible) et le pH (inactif en dessous de 2,9) qui sont les plus importants et peuvent également être affectés par la présence de polyphénols ou d'additifs.
Mais surtout, les souches elles-mêmes présentent des degrés d’activité tueuse ou de sensibilité très différents… Quoi qu’il en soit, même si cela est très variable, il est généralement reconnu que la possession de ce facteur tueur donne une meilleure chance d’implantation de ladite souche dans le moût et c’est pourquoi c’est quelque chose que nous recherchons plutôt lors de la sélection des levures œnologiques….
Et nous n’avons même pas mentionné les souches « suicide » (K+R+) qui sécrètent des toxines qui peuvent s’affecter elles-mêmes… mais c’est une autre histoire !